LE VILAIN PETIT CANARD
C'était l'été. Les foins fraîchement coupés embaumaient. Dans la
forêt aux lacs profonds, parmi les grands arbres, s'élevait un vieux
château entouré de fossés, et là, au pied des murs, poussaient
d'immenses feuilles de bardane. Comme l'endroit était tranquille,
une cane s'y était installée pour couver. C'était bien long
d'attendre. Un jour enfin, l'un après l'autre les ufs se fendillèrent :
" Pipe, pipe ! ", de minuscules canetons sortaient des coquilles les
yeux tout ébahis. Comme le monde était grand !
La cane compta ses petits, le plus gros des ufs était toujours
intact. Une vieille cane qui passait par là, lui conseilla
d'abandonner ce dernier oeuf, c'était sans doute un oeuf de
dinde. Mais la cane, qui avait déjà tellement attendu, se remit à
couver. Enfin l'oeuf se brisa, une grosse boule tout grise et laide
en sortit qui ne ressemblait pas aux autres canetons.
Qu'à cela ne tienne ! Le lendemain, la cane sautait dans l'eau du
fossé, les canetons plongeant l'un après l'autre derrière elle,
même l'affreux gros gris. Ce ne pouvait pas être un dindonneau,
il nageait trop bien ! C'était vraiment son petit. " Venez que je
vous présente à mes amis les canards. Mais restez bien tous
derrière moi, et méfiez-vous du chat ! ", dit la mère cane à ses
canetons. Celui-ci venait justement de voler une anguille que se
disputaient deux familles de canards.
" Jouez des pattes et tâchez de vous dépêcher. Et surtout,
n'oubliez pas de courber le cou devant la vieille cane ! ". Les
petits lui obéirent. Les autres canards se moquaient de cet
horrible gros gris. Une cane se précipita même sur lui et le mordit
au cou. " Laissez-le ! Il ne fait de mal à personne ! Il n'est
peut-être pas très beau mais il nage très bien, et avec le temps,
il se peut même qu'il rétrécisse ! ", dit la mère cane.
Heureusement la vieille cane la rassura sur les autres canetons :
eux étaient vraiment adorables !
Cependant le pauvre caneton sorti de l'oeuf en dernier, trop grand,
trop laid, était la risée de tous. Canards, coqs et poules le
mordaient, le dindon, qui se prenait pour un empereur, gonflait
toutes ses plumes et le chargeait. Le vilain caneton ne savait plus
où se mettre et cela devint de pire en pire. Même ses frères et
soeurs le martyrisaient : " Pourvu que le chat te prenne, toi
l'affreux ! "
Et sa mère elle-même lui dit : " Si seulement tu étais bien loin
d'ici ! ". Alors un soir, il s'enfuit en s'envolant par dessus la haie.
A sa vue les petits oiseaux se sauvèrent à tire d'aile. " Ils ont peur
de ma laideur ", pensa le caneton. Expulsé de chagrin et de fatigue,
le vilain caneton passa la nuit dans le marais. Des canards
sauvages se moquèrent de lui. Il était si laid ! N'avait-il pas le
droit de rester là, parmi les roseaux ? Il s'y cacha pendant trois
jours. Deux oies mâles, des jars, qui passaient par là, lui dirent :
" Écoute, camarade, tu es tellement laid que tu nous plais, veux-tu
devenir oiseau migrateur ? "
C'était jour de chasse. Pan ! Pan ! Les deux jars tombèrent
raides morts dans les roseaux. " Je crois que je vais me sauver
dans le vaste monde ! ", dit le vilain petit canard, et il partit.
Les feuilles d'automne tourbillonnaient dans le vent glacé. Le
pauvre caneton grelottait. Au soleil couchant, un grand vol
d'oiseaux géants aux longs cous ondulants apparut au dessus
des buissons. C'était des cygnes qui fuyaient les contrées
glacées pour les terres chaudes du Sud. Jamais le caneton
n'avait vu de si beaux oiseaux, d'un blanc aussi éclatant. Ils
ouvraient leurs puissantes et larges ailes et volaient si haut,
si haut, que le vilain petit canard, enthousiasmé, se mit à
tourner comme une toupie en tendant son cou vers le ciel
pour mieux les admirer. Il poussa un cri si étrange et si perçant
qu'il en fut lui-même effrayé. Il ne savait pas quel était le nom
de ces oiseaux merveilleux, mais il les aimait comme il n'avait
jamais aimé personne, lui le vilain...
L'hiver fut terriblement froid. Le pauvre caneton devait
constamment nager pour empêcher la glace de l'emprisonner. Le
trou où il dormait, nuit après nuit, se resserrait sur lui. A la fin,
épuisé, il fut pris dans la glace. Au matin, un paysan l'aperçut,
brisa la glace de son sabot et l'apporta à sa femme qui le ranima.
Les enfants voulaient jouer avec lui, mais il prit peur. La porte
étant ouverte, il s'enfuit dans la neige fraîchement tombée, mais il
y écroula, anéanti.
Que cet hiver fut triste pour le pauvre caneton ! Mais un jour, un
chaud soleil perça les roseaux. C'était le printemps. Le caneton
battit des ailes et, à sa grande surprise, s'envola. Avant même
qu'il pût s'en rendre, il se retrouva dans un magnifique jardin. Les
pommiers et les lilas en fleurs embaumaient.
Trois cygnes blancs glissaient merveilleusement sur l'eau d'un
étang. Il reconnut les oiseaux majestueusement et se sentit pris
d'une étrange mélancolie. "Si je vole jusqu'à eux, si laids, ils me
tueront ! " Il s'approcha cependant de l'étang et penchant la tête
vers l'eau, il attendit la mort.
Mais alors, il se vit, lui, se reflétant à la surface de l'eau, il n'était
plus le gros vilain gris ! Il était devenu un cygne. Des enfants
s'approchèrent à ce moment avec du pain. " Venez voir, il y a un
nouveau cygne encore plus beau que les autres ! ",
s'exclamèrent-ils.
LE MONTREUR DE MARIONNETTES
Un jour que moi, Hans Andersen, je voyageais sur un beau voilier,
j'ai rencontré un homme à l'air si joyeux que j'ai tout de suite
pensé : "Voilà, à mon avis, le plus heureux des hommes."
J'engageai la conversation, et je sus que je ne m'étais pas
trompé : "Je suis un homme comblé, me dit-il, et plus encore
depuis que m'est arrivée l'aventure que je vais vous conter.
" Il poursuivit : "J'aime mon métier plus que toute autre chose.
Je vais par les chemins, m'arrête dans chaque ville et chaque
village, et je tire de ce simple coffre que vous voyez là tout ce
qu'il faut pour amuser les petits et les grands.
Vous l'avez deviné : je suis montreur de marionnettes.
Un soir que je donnais une représentation à la poste de la ville de
Slagelse, tous les enfants semblaient bien s'amuser. Mais au bout
d'un moment, l'un des spectateurs attira mon attention. C'était un
jeune homme, portant un habit noir. A chaque fois que mon histoire
devait faire rire, il riait exactement au bon moment, et à gorge
déployée. Cela ma remplissait de joie. Et lorsque j'espérais
simplement un sourire, il souriait de bon cur. Je n'avais jamais
eu un spectateur si attentif et si plaisant. Ce sympathique jeune
homme était, m'apprit-on, un ingénieur qui faisait des conférences
en province. Et justement, ce soir-là, après que les enfants furent
allés se coucher, tout le monde fut invité à venir l'écouter. Je devins
donc à mon tour son spectateur. Je dois l'avouer, nombre de ses
paroles m'entraient dans une oreille pour ressortir par l'autre,
comme on dit, car je ne comprenais pas grand-chose aux secrets
de sa science. Cependant, pour ce que j'en compris, je sus que
cet ingénieur était un homme extraordinaire. Il parlait, en effet,
avec une telle facilité de ses inventions et de ses découvertes
qu'on eut dit que tout cela ne lui avait coûté aucun effort.
A mon avis, si ce jeune homme avait vécu en d'autres temps,
on l'aurait accusé de sorcellerie et brûlé vif sur le bûcher.
Lorsqu'il eut terminé son discours, il m'invita à sa table. Nous
nous entretînmes de divers sujets, parlant aussi bien de sa
science que de mes marionnettes, et à un moment,
je lui dis que je me considérais comme l'une des plus heureuses
personnes qui soient sur terre.
- Ah, vraiment ?, me répondit-il.
- Certainement. je ne désire rien de plus que d'être toujours bien
reçu comme je le suis avec ma petite troupe. "
Puis, en réfléchissant, je me rappelai une envie qui m'avait pris :
"Quoique... Il y a peut-être quelque chose... Voyez-vous, il m'est
arrivé de penser, qu'au lieu de faire un spectacle de marionnettes,
j'aimerais bien diriger des acteurs, des personnages de chair et
de sang... Alors là, je serais sans doute vraiment le plus heureux
des hommes."
Le jeune ingénieur ne croyait pas que cela puisse me rendre plus
heureux, mais moi, je le croyais, et il ne parvint pas à me faire
changer d'avis. Le vin que nous buvions était bon, et...je dois
avouer que je fus vite un peu grisé, au point que j'étais persuadé
que mes vux seraient exaucé. Soudain l'ingénieur me souleva
et me fit tournoyer en l'air à travers une gigantesque spirale avec
mon coffre ; je tournais, et je tombais, et je me retrouvais assis
par terre... Le coffre s'était ouvert, et voilà que mes marionnettes
bondirent hors de celui-ci. A peine avaient-elles sauté à terre
qu'elles se mirent à parler, et lorsqu'elles furent toutes sur le
plancher, il y eut une cacophonie épouvantable, car elles
parlaient toutes en même temps. La danseuse disait :
"Si je ne tenais pas sur une jambe, toute la maison s'écroulerait !
Je suis donc la personne la plus importante et je veux être traitée
comme telle !" Celui qui jouait le facteur disait : "Comme c'est moi
qui apporte les lettres d'amour, tout le monde doit être gentil avec
moi !" Quant à la princesse, elle voulait que tout le décor autour
d'elle soit rouge, parce que, disait-elle, c'était la couleur qui lui
allait le mieux. Le prince quant à lui exigeait de n'avoir à dire que
des répliques de sortie, car c'étaient celles-là qui étaient les plus
applaudies. Les acteurs parlaient de plus en plus fort, ils ne
m'écoutaient pas le moins du monde, et je fus obligé de leur crier :
"Débrouillez-vous ! Après tout, vous n'êtes que des marionnettes !"
Celles-ci se mirent alors dans une colère incroyable et me battirent
à mort. A ce moment je me réveillai en sursaut. Je me trouvais
dans mon lit ; un rayon de soleil m'avait sorti de mon sommeil.
Je vis les marionnettes immobiles, éparpillées sur le sol, dans un
désordre indescriptible. Je me demandai où était passé l'ingénieur,
mais nulle part je ne vis trace de lui. Je me levai, m'emparai des
personnages qui étaient redevenus de bois et de chiffon, et je les
rangeai tous dans la malle. Je refermai le couvercle avec soin,
content que cette soirée effrayante soit terminée, et jamais, plus
jamais, je n'ai eu envie qu'ils deviennent de vrais acteurs.
Aujourd'hui, je continue à parcourir le pays en transportant mes
petits amis. J'ai du succès, je gagne bien ma vie, et mes
marionnettes sont encore plus applaudies que certains grands
acteurs de théâtre ! Maintenant, je suis certain d'être le plus
heureux des hommes. Et si l'on me demande pourquoi, je parle
volontiers de mon aventure, pour le plaisir de raconter une
histoire".
LES CYGNES SAUVAGES
Dans un pays lointain vivait un roi qui avait onze fils et une fille qui
avait reçu le nom d'Elisa. Les enfants vivaient heureux dans le
château de leurs parents. Hélas ! Un jour, l'épouse du roi mourut.
Ce dernier prit en seconde noce une méchante femme qui
détesta immédiatement les douze enfants. Pour se débarrasser
d'eux, cette vilaine reine décida d'envoyer la petite fille chez des
paysans et dit au roi tant de mal de ses fils que le père s'en
désintéressa.
Mais cela ne lui suffit pas, elle voulait les éloigner définitivement.
C'est ainsi qu'un jour, elle leur jeta un sort, car elle était aussi une
sorcière, en disant :
" Soyez transformées en oiseaux, et perdez la parole !"
Les princes devinrent alors onze beaux cygnes sauvages qui
s'envolèrent aussitôt.
Quand Elisa eut quinze ans, son père la fit chercher car il voulait
revoir sa fille. La reine s'arrangea pour la rencontrer en premier :
elle badigeonna de brou de noix et lui emmêla tellement les
cheveux que son père ne la reconnut pas.
Toute triste, la fillette quitta le château et marcha toute la journée
à travers champs.
Le soir venu, elle arriva dans une grande forêt où elle s'endormit.
A son réveil, elle découvrit une source d'eau claire.
Elle s'approcha de l'eau et s'y plongea. Elle redevint la belle
princesse qu'elle était. Rencontrant une femme très âgée, Elisa lui
demanda si elle n'avait pas vu onze princes chevauchant dans la
forêt. La vieille femme lui répondit que non mais, qu'en revanche,
elle avait vu onze cygnes avec des couronnes d'or sur la tête au
bord de l'eau. L'enfant suivit le fleuve jusqu'à son embouchure et
arriva au bord de la mer.
Sur la plage elle trouva onze plumes de cygnes blanches dont elle
fit un bouquet. Au crépuscule, Elisa vit onze cygnes sauvages
avec des couronnes d'or voler comme un long ruban blanc.
Les cygnes vinrent se poser à côté d'elle et dès que le Soleil fut
couché, leurs plumes se détachèrent. Redevenus onze beaux
princes, ils se firent reconnaître de leur belle et grande soeur.
L'aîné expliqua à Elisa qu'ils ne reprenaient forme humaine
qu'à la nuit tombée. Il ajouta : " Nous habitons de l'autre côté
de la mer et nous ne pouvons revenir que pendant onze jours
dans notre cher pays. "
Elisa et ses frères de partir ensemble. Ils fabriquèrent un filet
en osier pour transporter Elisa, et, le jour venu, s'envolèrent en
tenant le filet dans leur bec. Ils volèrent toute la journée. Bien
que le poids d'Elisa ralentissait leur vol, ils atteignirent l'îlot
avant la nuit. Ils étaient très fatigués. Très vite tout le monde
s'endormit. Elisa rêvait de pouvoir délivrer ses frères lorsque,
durant son sommeil, la fée Morgane lui apparut et lui dit ceci :
" Tu pourras sauver tes frères en leur tissant à chacun une
cotte de mailles faite avec des orties.
Mais attention, tant que ce travail ne sera pas terminé, tu ne
devras pas parler, sinon ce serait leur mort. " Aussitôt, Elisa
se mit au travail et tressa les cottes jusqu'à s'en brûler les
mains. Un roi qui chassait par là, découvrit cette belle jeune
fille en plein travail et lui demanda ce qu'elle faisait là.
Elisa ne voulut pas répondre car elle savait que si elle
prononçait, ne fusse qu'un seul mot, ses frères mourraient.
Emu par le désarroi de la princesse, le souverain décida
alors de l'emmener dans son château. Peu après, ils se
marièrent. Comme Elisa pleurait et se lamentait, le roi eut
l'idée de lui faire apporter les orties déjà filées et les cottes
de mailles qui étaient terminées, espérant ainsi la distraire.
De son côté, le conseiller de la cour se demandait si cette
jeun fille muette n'était pas une sorcière. Il en parla au roi qui
ne voulut rien entendre. Toutes les nuits, Elisa travaillait à ses
cottes; Un jour, elle n'eut plus assez d'ortie et décida d'aller
jusqu'au cimetière pour en cueillir. Le conseiller, qui la
surveillait, en parla au roi et lorsque la jeune femme sortit
pour cueillir à nouveau des orties, celui-ci la suivit à son
tour. L'apercevant non loin des sorcières du cimetière qui
attrapaient des crapauds pour leurs potions magiques, le
roi pensa qu' Elisa était aussi une sorcière.
Accusée de sorcière, elle fut condamnée à mourir sur le
bûcher. Dans son cachot, on lui donna les cottes de mailles
et le reste de la botte d'ortie ; la princesse put ainsi poursuivre
son travail malgré le peu d'espoir qu'elle avait de jamais revoir
ses frères. Le jour prévu pour l'exécution, ces derniers, qui
l'avaient retrouvée, se transformèrent à nouveau en cygnes
sauvages et se mirent à voler au-dessus du chariot qui
emmenait Elisa au bûcher. Pâle comme une morte, la jeune
reine, les cheveux en désordre, continuait à tisser
désespérément la dernière cotte. " Regardez la sorcière !
Déchirez son tissu magique ! " criait la foule. Des gens
s'approchèrent pour lui arracher l'étoffe lorsque soudain,
onze cygnes blancs vinrent se poser autour d'elle.
Ne serait-elle pas innocente, se demanda alors la foule ?
Elisa eut juste le temps de lancer les onze cottes de mailles
sur les cygnes qui se transformèrent aussitôt en beaux jeunes
gens. Seul le dernier garda une aile de cygne car il manquait
une manche à son vêtement. La jeune reine s'écria :
" Enfin, je peux parler et proclamer mon innocence.
- Oui, notre soeur est innocente ! ", confirma l'aîné des frères
qui raconta toute leur longue histoire. Le roi, radieux de
retrouver sa jeune femme, lui offrit une plume de cygne qui
flottait dans l'air. Les cloches se mirent à sonner. Le roi et
Elisa, accompagnés des onze beaux princes, reprirent le
chemin du château pour une grande fête qui dura onze jours
et onze nuits.
LE ROSSIGNOL DE L'EMPEREUR
Il était une fois un empereur chinois qui vivait dans le plus
magnifique château du monde. Son jardin, où l'on pouvait voir les
plus merveilleuses fleurs, n'était qu'enchantement et féerie.
Il y avait même un rossignol qui avait établi son nid dans une des
branches d'un grand arbre fleuri.
Cet oiseau chantait si délicieusement que tout le monde alentour
s'arrêtait de travailler pour l'écouter.
Venant de tous les pays, les visiteurs se pressaient vers la ville
impériale et tous s'extasiaient devant le château et le jardin.
Mais lorsqu'ils avaient entendu le rossignol, tous s'écriaient :
" Voilà qui est prodigieux ! ". Et tout un chacun bavardait en
s'émerveillant sur le chant de l'oiseau, tant et si bien que la rumeur
parvint aux oreilles de l'Empereur qui se mit en colère.
" Qu'est-ce donc que ce rossignol ? demanda le vieux monarque.
Je ne le connais pas. Il se trouve dans mon empire et dans mon
jardin et je n'en ai jamais entendu parler ? Qu'on me l'amène ! "
Pendant ce temps, on fit au château des préparatifs
extraordinaires pour recevoir l'illustre chanteur. Les murs et les
carreaux de porcelaine brillaient aux rayons de cent mille lampes
d'or. Au milieu de la grande salle où l'Empereur était assis, on
avait placé une baguette dorée pour recevoir le rossignol.
Tous les yeux étaient fixés sur le petit oiseau gris, et celui-ci
chantait d'une manière si admirable et divine que les larmes en
vinrent aux yeux de l'Empereur. Oui, les larmes coulaient sur les
joues du vieil homme et le rossignol chantait de mieux en mieux.
Sa voix allait jusqu'au fond des curs, et il eut le plus grand
succès. Toute la ville parla dès lors de l'oiseau prodigieux qui
devint le joyau de tout le royaume.
Or, un jour, l'Empereur reçut un gros paquet contenant un
rossignol mécanique. Celui-ci devait imiter le vrai rossignol
et était tout couvert de diamants, de rubis et se saphirs.
Il était si beau et si semblable au premier, il chantait si bien,
que tout le monde voulut écouter un concert des deux
rossignols. On les fit donc chanter ensemble, mais le duo
sonnait complètement faux, car le véritable rossignol chantait
selon son inspiration naturelle et l'autre obéissait au mouvement
de la mécanique. On fit alors chanter seul l'oiseau artificiel. Il eut
autant de succès que le véritable et il plaisait davantage aux yeux,
car il brillait de tout l'éclat de ses pierres précieuses.
Il chanta ainsi trente-trois fois le même morceau sans la moindre
fatigue, et plut tant que l'on chassa le véritable rossignol.
Celui-ci fut banni de la ville et de l'empire, et l'oiseau artificiel prit
la place d'honneur sur une petite table de laque auprès du lit de
l'Empereur. Cela durait depuis un an. Mais un soir que l'oiseau
mécanique chantait de son mieux et que l'Empereur l'écoutait
dans son lit avec délices, on entendit tout à coup à l'intérieur du
corps : " crac ", puis : " br-rr-ou-ou ".
Toutes les roues s'emballèrent et la musique s'arrêta subitement.
La belle mécanique était rouillée. Quelle désolation !...
On n'entendit plus jamais chanter l'oiseau artificiel.
Cinq ans plus tard, le pays fut plongé dans une profonde douleur.
Les chinois aimaient beaucoup leur Empereur, mais un jour,
il tomba malade et l'on disait qu'il allait mourir.
Déjà, on avait élu un nouvel empereur et tout le peuple était
assemblé sur la place pour l'acclamer.
L'empereur déchu était étendu pâle et froid dans son grand lit
magnifique. Pouvant à peine respirer, il était tellement oppressé
qu'il avait l'impression qu'on lui marchait sur la poitrine.
Ouvrant les yeux, il vit la Mort, parée de ses plus beaux atours,
qui était venue le chercher. L'Empereur eut très peur et croyait sa
dernière heure venue.
Alors tout à coup, près de la fenêtre se fit entendre un chant
ravissant. C'était le petit rossignol de la forêt qui chantait sur
une branche. Il avait appris la maladie de l'Empereur et venait
lui apporter de l'espoir et de la consolation. Et le petit rossignol
chanta si merveilleusement et si doucement que les visions de
l'Empereur s'évanouirent.
Comme par magie, le vieil homme guérit et reprit immédiatement
des forces. " Merci, merci petit oiseau céleste, dit-il. Je t'ai
chassé jadis et cependant tu as fait disparaître par ton chant les
méchantes figures qui assiégeaient mon lit. Comment pourrais-je
te récompenser ?
- Tu m'as déjà récompensé, dit le rossignol. J'ai arraché des
larmes à tes yeux la première fois que j'ai chanté. Ce sont pour
moi des diamants et je ne l'oublierai jamais.
Laisse-moi venir près de toi quand bon me semblera. Je te
chanterai les heureux et ceux qui souffrent, le bien et le mal, tout
ce qui n'est pas connu de toi, car un petit oiseau vole partout et
perçoit toutes les choses que tu ne peux voir. mais promets-moi
une seule chose : ne raconte à personne que tu as un petit oiseau
qui t'informe de tout. Crois-moi, tout n'en ira que mieux. "
Et le petit rossignol s'envola. Un instant après, les courtisans et
serviteurs entrèrent pour voir une dernière fois leur défunt
Empereur et restèrent ébahis lorsque celui-ci leur dit tout
bonnement : " Bonjour ! "
LA PETITE FILLE AUX ALLUMETTES
C'était la veille de la nouvelle année, le temps était terriblement
froid ce soir-là. La nuit était très noire et il neigeait à gros flocons.
Au milieu de cette obscurité, une petite fille marchait dans la rue la
tête et des pieds nus. En quittant sa pauvre maison, elle portait des
pantoufles tout usées et beaucoup trop grandes pour elle mais, en
traversant la rue et en se dépêchant pour se faufiler entre deux
fiacres, elles les avait perdues.
L'une avait disparu aussitôt sous les roues d'un cocher pressé,
l'autre avait été emporté par un gamin qui voulait en faire un
bateau.
L'enfant trottinait avec ses pauvres pieds nus bleus de froid.
Elle portait dans son vilain tablier une grande quantité d'allumettes
et en tenait également un paquet à la main. La journée avait été
très mauvaise, personne ne lui avait acheté la moindre allumette.
Elle avait froid, faim et très peur de rentrer chez elle car son père la
battrait s'il la voyait revenir sans le moindre sou. La neige continuait
à tomber et les flocons faisaient comme des duvets de cygne sur
ses jolis cheveux blonds et bouclés. Comme elle s'en moquait de
ses cheveux ! Elle savait seulement que c'était la veille du jour de
l'an et que tous les petits enfants allaient se réunir avec leurs
parents pour un grand repas de fête.
Entre deux maisons, la petite fille s'assit de plus en plus transie et
glacée. A quoi bon rentrer chez elle où son père serait en colère et
où, de toute façon, il faisait presque aussi froid que dehors, tant le
vent soufflait fort à travers les larges fentes des murs. L'enfant ne
pouvait presque plus bouger ses doigts raidis par le froid.
Elle se dit qu'une allumette, rien qu'une seule, la réchaufferait :
elle en fit craquer une. Il y eut un joyeux craquement et la flamme
monta claire et chaude le long de sa main. La fillette eut
brusquement l'impression d'être assise devant un bon grand poêle
de cuivre. Déjà, elle étendait ses pieds pour les réchauffer aussi.
Trop tard ! Le poêle avec sa chaleur avaient disparu et il ne restait
plus qu'une allumette noircie au bout de ses doigts.
L'enfant décida d'en frotter une deuxième dont la flamme fut encore
plus lumineuse et plus belle. La petite pouvait voir une pièce avec
une table recouverte de jolies faïences. Une oie énorme et grasse
toute dorée était posée dans un joli plat. Subitement l'oie roula de la
table et disparut, il n'y avait plus devant l'enfant que la petite poule
grise et froide. C'était insupportable, la fillette voulait revoir ce
poêle qui ronronnait si joyeusement, cette oie appétissante et qui
sentait si bon...
La petite marchande fit craquer une troisième allumette et se vit
transporter immédiatement dans une jolie maison où se dressait,
tout scintillant, un grand arbre de Noël avec ses guirlandes et ses
boules de toutes couleurs.
Des fruits et des jouets étaient aussi accrochés aux branches. Des
enfants, qui couraient en chantant autour de l'arbre, lui prirent la
main et l'entraînèrent dans leur ronde. La fillette voulut courir aussi,
mais de nouveau, ce fut la nuit.
Les étoiles commençaient à briller au-dessus de la rue sombre et
déserte. Quelques rares passants, pressés d'aller retrouver leurs
amis et leurs familles, marchaient à grandes enjambées sans voir,
entre deux maisons, l'enfant recroquevillée sur elle-même et qui
regardait le ciel. Une étoile filante traça une longue raie flamboyante
et la petite pensa que quelqu'un devait mourir. Sa vieille grand-
mère, qui lui avait appris cela : "Si une étoile tombe, c'est une âme
qui va à Dieu". Une allumette fut encore frottée et cette fois-ci la
grand-mère apparut comme autrefois avec son air doux et gentil.
"Grand-mère reste là, emmène-moi, ne me laisse pas seule.
Je sais que lorsque l'allumette s'éteindra, tu disparaîtras comme
tout ce j'ai pu voir jusqu'à présent. Comme le feu qui brûlait si bien,
comme l'oie qui sentait si bon, comme le sapin de Noël, tu
t'envoleras et moi, je resterai toute seule dans une rue sombre
sans personne pour s'occuper de moi et m'emmener dans une
maison où je n'aurai plus jamais ni froid, ni faim".
Terrifiée à l'idée d'être à nouveau abandonnée, l'enfant ne craqua
plus une allumette mais fit brûler tout le paquet. Sa grand-mère
reparut, elle était belle avec sa robe de velours noire qu'elle mettait
seulement les jours de fête. La vieille dame souriait avec tendresse
à sa petite-fille qu'elle prit dans ses bras. Toutes les deux
s'élevèrent vers le ciel dans la grande lumière du paquet
d'allumettes et arrivèrent au Paradis.
Le jour de l'an se leva, il faisait encore gris et sombre. Un piéton
découvrit dans un coin une petite fille aux cheveux bouclés pieds
nus, et sans vie. Partout autour d'elle, il y avait des bouts
d'allumettes noircis.
La pauvre petite a voulu se réchauffer, pensa l'homme qui ne se
douta pas que l'enfant avait quitté le monde dans une belle lumière,
en tenant sa grand-mère par la main.
Dimanche 11 Avril 2021
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